Rénover plutôt que démolir
Date de parution : 19.06.2025
Sipane Hoh
Baptisée Barbotine, il s’agit d’un lieu atypique situé à Paris, réhabilité et remanié avec tact par Mesnil Architectures (Antonin Bohl, Mathias Lefebvre et Arthur Schmitt). Dans un environnement urbain dense, deux étages offrent ainsi deux fonctions différentes et perpétuent une histoire datant du XIXe siècle.


Le projet Barbotine est avant tout l’histoire d’une maison de deux étages datant de la fin du XIXe siècle. Celle-ci a été agrandie dans les années trente pour y loger un atelier de menuiserie sous une large verrière. Au fil des ans, plusieurs familles ont habité ce lieu caractéristique en lui apportant divers changements. Lorsque les architectes de l’agence Mesnil Architectures ont découvert l’ensemble, ils ont constaté un amoncèlement de travaux qui ont changé au fur et à mesure des époques la morphologie d’origine. Néanmoins, les nouveaux propriétaires avaient une demande précise : conserver une pièce à vivre généreuse tout en y installant un atelier de céramique avec pignon sur rue. La maison renoue ainsi avec son passé. Elle incorpore l’activité artisanale en son cœur, tout en s’adaptant aux diverses exigences de son temps.


« On pense la construction comme quelque chose qui est nécessaire, mais qui doit être raisonné avec des modèles à soutenir comme des évidences de façon d'utiliser le bon matériau au bon endroit. » précise Antonin Bohl, l’un des cofondateurs de l’agence.
Le lieu puise son nom de la barbotine, la pâte argileuse plus ou moins liquéfiée à l'eau, servant à fixer les ornements d'une céramique. S’inspirant de cette méthode ancestrale, le nouvel atelier de céramique se lie à la structure existante pour façonner une forme organique courbe recouverte de chaux. Celle-ci a été appliquée à travers une technique de ferrage et de lissage qui lui procure une texture plus expressive en contraste avec les murs blancs alentours. Néanmoins, il fallait, dès le départ, dissocier l’atelier de la partie habitée. C’est pourquoi les architectes se sont efforcés de distinguer les espaces, tout en préservant une certaine connexion entre eux. Ainsi, la céramiste peut aisément se déplacer entre son espace de travail et son habitation. Après avoir pesé le pour et le contre, étudié minutieusement l’ensemble des possibilités, le trio de Mesnil Architectures a proposé d’établir la partie habitable vers l’arrière de la parcelle. Un choix judicieux qui projette l’atelier vers la rue, lui apporte une grande luminosité à travers sa large fenêtre, lui procure un accès dédié par l’ancienne porte de garage et favorise l’intimité des espaces habités qui bénéficient de la verrière.

La maison préserve son entrée par le vestibule et la porte existante a été prépositionnée pour s’aligner au nouvel axe créé, dans le but de lier l’escalier principal et l’atelier. Les architectes souhaitaient révéler l’existant, ici la verrière qui a constitué le cœur même de l’habitation. Mais cet intérieur authentique met surtout en avant le réemploi, comme par exemples le parquet en bois massif qui a été rénové, les tomettes du couloir réemployées dans l’espace technique de l’entrée et bien d’autres procédés de récupération et réadaptation qui ont été utilisés afin d’obtenir un intérieur harmonieux en accord avec les principes d’un recyclage utile. L’espace repas se distingue par la présence d’une tapisserie sur mesure qui vient habiller délicatement les chaises chinées par les usagers. Par ailleurs, un placage en chêne naturel couvre la cuisine, l’îlot et le vaisselier. Un vaisselier, où sont présentées plusieurs pièces originales de la céramiste, prend place sous l’escalier. À la fois vitrine et décoration, les différentes œuvres agrémentent l’intérieur. À l’étage où se trouve la chambre à coucher, le parquet est poncé et huilé, les peintures rafraîchies. Quant au salon d’hiver, il invite à la sérénité.


Cependant il y a eu, selon Antonin Bohl, quelques complexités lors du chantier, notamment les panneaux de la verrière qu'il fallait nettoyer un à un. Et puis, les architectes se sont rendus compte que certains murs prenaient l'humidité. Des petits tracas rapidement résolus. « L’une des complexités, c'était le travail en milieu occupé » souligne le cofondateur de Mesnil Architectures. Il précise par ailleurs qu’il s’agissait d’une opération tout à fait envisageable grâce à l’existence de l’étage. La maison conçue avec habileté s’avère être un lieu qui fait la part belle à la céramique. Poignées, appliques et décorations artisanales se croisent avec les meubles récupérés pour constituer des intérieurs singuliers en accord avec les inspirations de ses habitants. La Barbotine a encore de beaux jours devant elle !
Toutes les photos © Mesnil Studio