A CONSCIOUS TOMORROW: Les matériaux biosourcés sont en nette progression
Date de parution : 12.06.2025
Jan Hoffman
Les matériaux biosourcés sont de mieux en mieux intégrés dans les pratiques de construction. C'est ce qui ressort d'une enquête récente menée par l'Université de Gand dans le cadre du projet Interreg CASCO Carbon Sink Construction. L'objectif de ce projet est de créer un écosystème permettant de stimuler l'utilisation de matériaux de construction locaux et naturels dans la région frontalière Flandre/Pays-Bas.

Le nombre de matériaux fréquemment utilisés a clairement évolué au cours des cinq dernières années.
Avec cette enquête, les chercheurs souhaitaient se faire une idée de l'utilisation des matériaux d'isolation et de construction biosourcés dans la construction en Belgique et aux Pays-Bas. Il est intéressant de noter que l'enquête, qui s'est déroulée entre décembre 2024 et janvier 2025, a été contrastée avec une enquête réalisée en 2020 dans le cadre du projet TETRA « To bio or not to bio », sur base d’une collaboration entre la haute école Odisee, l'université de Gand et Buildwise. Cinq ans plus tard, un groupe similaire a été interrogé afin d’observer les changements intervenus dans le domaine, ainsi que leur ampleur, au cours des dernières années.

Le profil professionnel des participants à l’enquête.
Fibre de bois, laine de bois, cellulose, blocs de chanvre et paille
“L’énorme majorité des personnes interrogées étaient des architectes et, dans une moindre mesure, des entrepreneurs et des fabricants/distributeurs”, explique Ruben Van den Bossche, auteur de l’étude et Assistant-Doctorant au sein du groupe de recherche Physique du Bâtiment (Département d'architecture et d'urbanisme, Faculté d'ingénierie et d'architecture de l'Université de Gand). “Il y a également une répartition équilibrée au niveau du pays où les personnes interrogées sont principalement basées. 48 % des participants sont actifs en Belgique, 44 % aux Pays-Bas.”
Dans un premier temps, l’enquête a mis en avant un certain nombre de matériaux biosourcés qui se démarquent dans le secteur de la construction. On voit clairement que des matériaux comme la fibre de bois, la laine de bois, la cellulose, les blocs de chanvre et la paille sont devenus des choix courants pour l'isolation, la fibre de bois arrivant en tête. Pour l'avenir, il semble y avoir une demande particulière au niveau des matériaux biosourcés résistants à la pression, tels que l’agrégat de verre, les coquillages et le liège. Les propriétés techniques et l'impact environnemental des produits semblent également jouer un rôle majeur dans le libre choix des matériaux d'isolation.


La fréquence d'utilisation des matériaux d'isolation (biosourcés et fossiles). À gauche les résultats de 2020, à droite ceux de 2025.
“Si on s'intéresse aux matériaux « fréquemment » utilisés, on remarque plusieurs changements clairs”, nous explique-t-on. “Alors que la laine minérale, le PUR/PIR et le PSE formaient le trio de tête en 2020, ils ont été remplacés par la fibre de bois, la laine de bois et la cellulose en 2025. En outre, la fibre de bois et la laine de bois dépassent désormais la cellulose, pourtant pionnière de la démarche biosourcée. Le top cinq des matériaux biosourcés est complété par les blocs de chanvre et la paille, cette dernière affichant une forte progression (de 8 % à 20 %). La fibre de bois et la laine de bois sont fréquemment utilisées, respectivement par plus de 50 % et plus de 40 % des personnes interrogées, ce qui représente également une hausse par rapport aux résultats de 2020. Il s’agit d’ailleurs d’une tendance globale : quasi tous les matériaux biosourcés ont vu leur utilisation augmenter entre 2020 et 2025 et ce parmi une plus grande proportion des personnes interrogées.”
“En examinant les réponses des architectes et des entrepreneurs, on remarque des tendances générales similaires. La fibre de bois et la laine de bois sont les mieux représentées et sont utilisées respectivement par plus de 95 % et 85 % des participants à l’enquête. Ici aussi, on note une baisse relative de la cellulose, utilisée respectivement par 85 % des architectes et 56 % des entrepreneurs.”


La fréquence d'utilisation des matériaux d'isolation (biosourcés et fossiles) par les architectes (à gauche) et les entrepreneurs (à droite).
Évolution dans la manière de construire
Autre conclusion de l'étude : de nombreux matériaux structurels et de finition biosourcés sont déjà bien implantés. Comme par exemple les panneaux à base de bois, l'ossature bois traditionnelle et les plaques de plâtre. Les matériaux biosourcés sont le plus souvent utilisés dans les murs à ossature bois traditionnelle, comme isolation intérieure ou dans les toitures inclinées. Par ailleurs, 89 % des professionnels de la construction interrogés ont indiqué recourir à la construction perméable à la vapeur, ce qui constitue un changement important dans la manière de construire.
“53 % des participants ont indiqué construire des bâtiments entièrement perméables à la vapeur de manière fréquente, 36 % de manière occasionnelle. J'ai été quelque peu surpris de constater que 11 % ont indiqué ne jamais le faire ou ne pas connaître le concept. Il semble qu’il y ait dans la pratique certaines fausses idées par rapport à la construction perméable à la vapeur. Un bâtiment à ossature bois sans pare-vapeur mais avec des panneaux OSB n'est pas, par définition, perméable à la vapeur, mais freine la vapeur.”

Application de matériaux biosourcés par zone de l'enveloppe, classée en fonction des résultats en 2025. Les finitions, les revêtements sur sol plein et les fondations n’avaient pas été étudiés en 2020.
“En outre, je trouve intéressant que l'enquête montre que les panneaux à base de bois, en particulier, sont fortement répandus. La construction à ossature bois avec solives massives reste en tête au niveau de la structure, suivie par le bois composite (LVL, lamellé-collé, poutrelles en I.…) et le CLT. Au niveau des finitions, les plaques de plâtre sont en tête, suivies par l’argile et la chaux.”
Les enjeux de la construction biosourcée
À l’autre bout du spectre, on peut également tirer une autre conclusion de cette étude : les matériaux biosourcés ont encore pas mal de défis à relever.
“Comme on pouvait s’y attendre, le prix du produit et l’inertie du client sont deux points problématiques, car on a tendance à se méfier de ce que l'on ne connaît pas ou moins”, conclut Ruben Van den Bossche. C’est donc un point positif de voir que les professionnels de la construction informent activement sur les possibilités des matériaux biosourcés, même si le client ne le demande pas explicitement. “Parmi les autres préoccupations récurrentes, on peut citer les propriétés techniques des produits et leur comportement au contact de l'humidité. On peut donc assurément conclure que la disponibilité et la qualité de la documentation sont cruciales pour la confiance du client et du professionnel du bâtiment dans les matériaux biosourcés qui ne leur sont pas familiers.”


Sondage sur l'utilisation croissante des matériaux (d'isolation) biosourcés.
“Il reste certes des défis à relever, mais il est important de retenir que plus de 90 % des personnes interrogées ont indiqué avoir remarqué une utilisation croissante des matériaux biosourcés. De plus, le secteur et les clients sont demandeurs d’informations et de documentation sur ces matériaux, ce qui est essentiel pour la poursuite de leur implémentation dans la pratique. Cet aspect est également étudié dans le projet CASCO, qui vise à étendre et à renforcer les chaînes de matériaux biosourcés dans le secteur de la construction au sens large.”
Toutes les images © CASCO